Lors d’un atelier que nous animons chaque mercredi soir à la Fabulerie, nous avons proposé aux participant·es d’explorer la thématique suivante : les silences.
« Il faut en mâcher du silence pour trouver les bons mots. C’est ce que se dit Leïla, intriguée par ce mec un peu bizarre, Marco, toujours accroché à sa chienne. Il a l’air coupé des gens et en même temps, sa gestuelle est imprégnée de tout ce qui l’entoure. Elle aimerait savoir qui il est. On raconte au lycée que comme elle, il aurait un bout d’Afrique. Il paraît qu’il est né en Côte d’Ivoire et qu’il est arrivé enfant en France. Leïla se sent souvent perdue au milieu des gens. Elle aime écouter, ce n’est pas évident pour elle de se dévoiler. Quelque chose en lui l’intrigue, le calme dans son regard l’attire, ce silence qui l’habite aussi. Elle prend son courage à deux mains et le fixe. Un demi sourire se dresse sur leurs lèvres. Elle va dans sa direction et lui propose d’aller faire un tour au bord du lac. Un pourquoi pas sort de sa bouche. C’est pas gagné. Ils marchent côte à côte, lui en canard, elle les bras un peu alourdis par l’effort fourni d’avoir franchi le pas. Il l’épie puis baisse la tête. Le silence entre eux est magnétique, comme si un seul mot pouvait briser cette danse qui les lie. Ils longent les bords de l’eau. Leïla le guette, l’admire. Elle se sent bien. Soudain, elle entend quelqu’un l’appeler. C’est sa sœur Sylvie qui sort la tête de l’eau et se moque d’elle. Un peu gênée, Leïla lui fait signe. Elle se gratte la nuque et sourit. Sa sœur est beaucoup plus téméraire qu’elle. Leïla n’aime pas se baigner, elle n’aime pas exposer son corps aux autres. Marco la trouve belle, il aime la rondeur de ses pas, la douceur de ses traits. Elle lui demande d’où il vient, il lui répond qu’il ne sait plus vraiment. Elle non plus ne sait plus vraiment d’où elle vient. »
Anaïs Sylla