Lors d’un atelier que nous animons chaque mercredi soir à la Fabulerie, nous avons proposé aux participant·es d’explorer la thématique suivante : la tendresse.

“File le temps, 

Heures exposées à la lueur d’un jour finissant, 

Rêve miroir d’une image envolée, 

Instant pâle, envol d’un temps écoulé.”

Je referme le cahier de Fransisca, une larme s’échappe et glisse le long de ma jour, termine dans mon cou. Mes doigts effleurent la couverture usée, râpeuse. Je l’ai trouvée, la boîte à souvenirs. Il aura fallu que Fransisca meure pour que les vivantes aient enfin le droit de savoir ce qu’il se passait dans son cœur.

Elle ne se sera laissé aucune chance jusqu’au dernier instant. Aucune chance d’aimer ni d’être aimable. Une vie à s’empêcher, à se punir d’être celle qui est restée. Sans s’en rendre compte, elle l’avait décidé à l’instant où elle a appris la disparition d’Anna. Si sa sœur n’était plus là, alors elle ne vivrait qu’une vie en pointillés. À moitié. À demi-trait. Si sa sœur n’était plus là, elle resterait, mais souffrirait une existence en demi-teinte. Elle ne s’autoriserait jamais plus que le tiède. C’est long, quatre-vingt quatre ans sans chaleur, la dette est soldée.

Fransisca est morte hier mais cela fait depuis ses neuf ans que son cœur a cessé de battre. 

“Instant pâle, envol d’un temps écoulé.”

Anaïs Schenké